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TROP CUTES OU TROP BONNE(S) ?

© "Mignonnes" - Bien ou Bien Productions

Acclamée par la critique pour son film Maman(s), César du meilleur court-métrage en 2017, Maïmouna Doucouré nous livre cet été son premier long-métrage Mignonnes. Pris au cœur d’une polémique sans précédent suite à l’affiche promotionnelle du film sur Netflix USA, qui utilisait une photo très suggestive des jeunes actrices principales, qu’en est-il réellement ? Analyse. 

Mignonnes, c’est l’histoire d’Amy 11 ans, incarnée par la jeune Fathia Youssouf, qui découvre les méandres de sa féminité. Dans le premier long-métrage de Maïmouna Doucouré, l’héroïne se retrouve tiraillée entre une féminité inculquée par une mère aux traditions musulmanes et celle promue par une nouvelle bande de copines (un peu) précoces. La figure maternelle interprétée par l’actrice Maïmouna Gueye, tient une place clef, telle la genèse du premier rapport à la féminité de la jeune fille. La réalisatrice nous dépeint le portrait d’une femme d’origine sénégalaise, musulmane, pieuse et dévouée à un mari absent.

La vie d’Amy bascule, lorsque cachée sous le lit de sa mère, elle apprend l’arrivée d’une autre maman.
En renouant une nouvelle fois avec le thème de la polygamie, Maïmouna Doucouré signe avec Mignonnes une version plus mature de son court-métrage, Prix du Jury au festival Sundance en 2016. 
Ce bouleversement s’aligne avec celui de la rencontre entre Amy et le personnage d’Angelica. Leur rencontre à la laverie de l’immeuble n’est sûrement pas le fruit du hasard.
Angelica, telle l’incarnation de Jézabel*, viendra « laver » les principes moraux de l’héroïne. 
La recette du teen movie est jusqu’ici bien respectée. 
Et comme tout bon teen movie Angelica est accompagnée de trois copines, qui forment à elles toutes le groupe de danseuses «Mignonnes », qu’Amy rêve d’intégrer. 
Dans le même style, souvenons-nous du désormais iconique Lolita malgré moi de Mark Waters, ou du plus sulfureux Thirteen de Catherine Hardwicke, lui aussi primé au festival Sundance en 2003
Le sentiment d’appartenance, l’éveil de la sexualité sont des enjeux importants à l’adolescence et souvent abordés au cinéma.
Problème, Amy et ses copines ont à peine 11 ans.
La notion de dualité entre le bien et le mal est ici plutôt bien explorée. Les personnages testent leurs limites tout au long du film, tout en poussant le/la spectateur/trice « presque consentant », à se questionner sur ses propres valeurs morales.
© "Mignonnes" - Bien ou Bien Productions
Le rapport au corps est abordé de manière crue, sous le prisme du regard masculin, sans que les hommes ne soient réellement présentés à l’écran. Le père d’Amy est absent physiquement, mais son aura masculine l’illustre tel un personnage mystique. 
En outre, si les hommes ne sont pas représentés dans Mignonnes, le but était-il d’en faire la cible principale de spectateurs ? 
Il est tout de même important de saluer la prise de risque scénaristique de Maïmouna Doucouré qui aborde sans filtre des thèmes liés à la sexualité et au désir à travers le regard de très jeunes filles. Une histoire aussi osée, aurait demandé un travail de mise en scène plus poussé, ce qui est le point faible du film. 
Sur fond socio-économique fragile, le film sonne comme un air de déjà-vu et malgré la performance de Fathia Youssouf, les dialogues entre les jeunes actrices auraient mérités d’être plus creusés. Quant aux scènes de danses, filmées de façon trop intrusive, elles sèment le doute sur le message de fond et tendent à une volonté de provoquer un malaise insoutenable chez les spectateurs. 
Reste à savoir si l’objectif du film était d’être accessible à tous ? 
C’est justement ce qui à été reproché à Netflix suite à l’utilisation d’une affiche peu valorisante des jeunes actrices pour promouvoir le film aux Etats-Unis. Et même si la célèbre plateforme de streaming s'est rapidement excusée, le film est actuellement au coeur d’une polémique sans précédent aux Etats-Unis, accusé de faire la promotion de la pédophilie.
Aussi, bien que le traitement d’un sujet sur l’hypersexualisation des jeunes filles ait été un défi délicat à relever, il aurait été souhaitable de trouver l’équilibre entre un scénario offensif et une réalisation plus pudique.
Mignonnes n’est pourtant pas un mauvais film, il ose, provoque, mais n’excelle pas.
A vous de voir.
*Jézabel est un personnage Biblique des premier et second livres des Rois de l'Ancien Testament. Épouse du roi, elle y est présentée comme une étrangère vicieuse et malfaisante qui incite le roi et le peuple à se détourner de l'Eternel.
 
Mignonnes en salle depuis le 22 août. 
Cécilia Agnes-Keita - Rédactrice Cinewax
 

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