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« La Belle et La Meute », ou le combat d’une femme et d’un pays pour sa dignité

Projeté dans le cadre du festival des Panoramas des films du Maghreb et du Moyen Orient lors d’une soirée en partenariat avec Cinewax, « La Belle et la Meute » est la quatrième réalisation de la cinéaste tunisienne Kaouther Ben Hania. Ce thriller réussi confirme encore, après le très beau « A peine j’ouvre les yeux » de Leyla Bouzid, le talent de ces réalisatrices tunisiennes intrépides qui abordent à bras le corps les enjeux politiques de leur pays.  

Image extraite de La Belle et La Meute, Kaouther Ben Ania, 2017

 

Mariam, jeune étudiante tunisienne, danse avec insouciance lors d’une fête universitaire. Elle croise le regard de Youssef, ils se plaisent instantanément. Elle lui propose de sortir marcher le long de la plage. Elipse. Mariam est en pleurs, bouleversée, courant affolée dans les rues de Tunis. On apprendra que la jeune femme vient d’être violée par deux policiers. La scène de l’acte n’est pas montrée. Et davantage que le viol lui-même, le véritable cauchemar commence lorsque Mariam va tenter pendant toute la nuit de porter plainte contre ses agresseurs. De l’hôpital au commissariat, le film retrace  l’histoire vraie du combat d’une jeune femme pour réclamer justice en 9 longs plans séquences, tels neuf étapes vers la descente aux enfers de son héroïne.

En immersion

La mise en scène au cordeau de Kaouther Ben Hania nous immerge dans l’action. Les plans séquences renforcent l’expérience et donnent l’impression au spectateur qu’il vit l’horreur en temps réel. Le résultat est étouffant et haletant à la manière d’un thriller américain des plus efficaces. Mais la réalisation n’est jamais tapageuse ni esthétisante. Elle est maîtrisée et sert parfaitement le propos. La caméra ne lâche ainsi jamais son héroïne qui traverse des expériences de plus en plus traumatiques. Le spectateur est emprisonné comme elle dans ce labyrinthe cauchemardesque qui paraît sans fin, sans issue heureuse. Les valeurs des plans sont toujours au plus près des personnages.

On ressent la honte de Mariam, condamnée à porter la même robe légère pendant toute la nuit. A chaque fois qu’elle parle de son viol aux autorités, elle se heurte aux regards accusateurs de la part des hommes comme des femmes, qui semblent dire « Avec ce que tu portes, il ne fallait pas être étonné ». Elle tire sur sa robe, se cache la poitrine. Comment être écoutée quand on n’a pas le profil de la victime idéale ? Youssef qui l’accompagne à l’hôpital lui interdit de rentrer chez elle. Il lui faut un certificat de viol ce soir, demain il sera trop tard lui dit-il. Ici, la victime n’est pas ménagée mais  obligée de se battre quoi qu’il lui en coûte. Mariam va finir par le comprendre, tant le combat pour la justice sera rude.

Un symbole de la lutte pour la liberté

Le film est surtout bouleversant dans ce qu’il raconte de la Tunisie post-printemps arabes. Après le drame, Mariam est ballottée d’un endroit à l’autre par Youssef qui la poussera sans cesse à se battre pour ses droits. Pour lui, elle représente bien plus qu’une femme victime de viol, elle est le symbole du pays tout entier injustement assujetti par l’ordre établi. Dans « La Belle et la Meute », on rencontre ainsi deux types de personnages : ceux qui soutiennent Mariam et ceux qui ne cesseront jamais de la brimer pour qu’elle se taise. Leur seul point commun est qu’ils la considèrent comme un objet, comme une bombe qui peut faire éclater le système en place. Ce qui est une aubaine pour les uns représente la mort des privilèges des autres.  C’est là que tout se joue.

Mariam prendra de l’épaisseur quand ivre de colère, elle fera enfin entendre sa voix à la fin du film. Le voile autour du cou volant derrière son dos telle une super-héroïne, elle sort du commissariat, le visage baigné de soleil, à l’aube d’un nouveau monde.

Chloé Ortolé - Rédactrice CINEWAX 

 

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