Sarah Maldoror, une des pionnières du cinéma panafricain
Il y’a quelques mois, plus précisément, le 13 avril 2020, on apprenait la mort de Sarah Maldoror, cette fameuse cinéaste franco-guadeloupéenne, née le 19 juillet 1929 à Candou (dans le Gers, France).
J’ai donc décidé de dresser le portrait de cette femme reconnue comme étant LA voix des persécutés et des insoumis de son époque et ayant réalisé plus d’une trentaine de films sur des sujets historiques, pas assez entrés dans l'histoire d’après un certain malfrat bienheureux.
Après des débuts au théâtre, elle fonde en 1956, la première troupe noire à Paris, « Les Griots », aux côtés de Toto Bissainthe, Timoti Bassori et Samb Aboubacar. L'objectif était de partager et faire connaître les textes des auteurs noirs, et d'offrir de grands rôles aux comédiens d'origine africaine, pour en finir avec les rôles de servantes, disait-elle et « faire connaître les artistes et écrivains noirs ».
Dès la fin des années 1950, elle saisie l’enjeu de l’audiovisuel face aux luttes de libération et d’oppression du colon blanc et après avoir étudié dans une école d’art dramatique à Paris et ayant obtenu une bourse d’étude aussitôt, elle choisit de partir pour Moscou en 1961 pour se former au cinéma.
Des débuts prometteurs
En 1969, elle sort son premier court-métrage Monagambée, basé sur le roman d’un écrivain angolais alors emprisonné par le pouvoir colonial portugais, qui se voit déjà décerner plusieurs prix dont celui de la meilleure réalisatrice par le festival de Carthage en Tunisie.
Dans Sambizanga (1972), elle dresse à travers le trajet politique d’une femme, dont le mari se meurt sous la torture en prison, la lutte du mouvement de libération angolaise.
Ce film, vivement récompensé, est une des oeuvres majeures du cinéma africain et assoit sa réputation internationale d’artiste engagée.
La décolonisation au coeur de son oeuvre
À la fin des années 1950 et au début des années 1960, alors que les guerres pour les indépendances font rage dans les colonies et sont en Occident largement occultées, Sarah Maldoror est seule à parvenir à porter au cinéma la voix des militants africains en lutte.
Eh bien oui, alors que la guerre au Viêt-nam occupait tous les esprits, Sarah Maldoror donna une visibilité aux guerres de décolonisation africaines: Angola, Guinée Bissau,Cap Vert… Son court-métrage «Monangambee» aborde la torture par l’armée portugaise d’un homme faisant parti de la résistance angolaise.
“Il y’a quelques semaines, un documentaire “inédit” fut diffusé sur France 2 : Décolonisation, du sang aux larmes. Un documentaire très bien ponctué de Pascal Blanchard qui éveilla la conscience, sur l’horreur de la décolonisation en Afrique. Cependant, je tiens à rappeler que des femmes comme Sarah Maldoror ont été précurseur de l’alerte sur ce sujet”.
Une mission unique : Secourir son peuple opprimé
Sarah Maldoror s’est consacrée à la lutte contre les violences et les discriminations de tout types. Elle accorda une importance fondamentale à la solidarité entre les opprimés, à la lutte face à la répression politique, et à la culture comme unique moyen d’élévation d’une société: à savoir, aux sociétés africaines et afro-caribéennes.
Son ami, le poète Aimé Césaire, lui écrivit ces mots :
A Sarah Maldo… qui, caméra au poing, combat l’oppression, l’aliénation et défie la connerie humaine.
Dans ses œuvres, elle traite des sujets tels que “les guerres africaines”, “la persévérance de la lutte”, “la décolonisation dans le sang et les larmes”, “les femmes dans la lutte”, “le racisme ordinaire”, “l’importance de la solidarité entre opprimés”, “la répression politique des colons envers les insoumis”, “ la réhabilitation de l’histoire noire et de ses héros”, “l’importance d’avoir des références et modèles africains”, d'ailleurs pour cela, elle n'hésita pas à dresser des portraits d'Aimé Césaire, de Toto Bissainthe ou encore de Léon-Gontran Damas.
Sarah Maldoror expliquait que “pour beaucoup de cinéastes africains, le cinéma est un outil de la révolution, une éducation politique pour changer les mentalités. Son but ultime était de décoloniser la pensée pour favoriser des changements radicaux dans la société, et qui bien sûr irait pour une fois dans le sens des opprimés”.
Certains de ses films sont disponible sur la plateforme youtube. N'hésitez pas à aller découvrir son oeuvre, elle en vaut le détour.
Soum Gassama, rédactrice Cinewax