Angola : Geração 80 ou l’avenir du cinéma
La programmation du film Air Conditioner en juin 2020 dans le weareoneglobalfestival - tout premier festival mondial du film en ligne co-organisé par plus de 20 festivals parmi les plus prestigieux – fait rayonner le cinéma angolais.
L’occasion pour Cinewax de placer la focale sur cette nouvelle génération de cinéastes angolais réunis dans le collectif Geração 80, prêts à sortir de l’ombre, dont est issu le réalisateur d’Air Conditioner, Fradique.
Air Conditioner
Air Conditioner est le premier long-métrage de fiction réalisé par Fradique. Dans une Luanda assommée par la chaleur, les lourds ventilateurs se décrochent des murs les uns après les autres, subitement sans explication, faisant parfois des blessés ou des morts. C’est à partir de ce scénario de court-métrage loufoque que se tissent une histoire et une ambiance tirées de l’univers de l’écrivain mozambicain Mia Couto, entre réalisme et magie.
Le film a été présenté en première mondiale au Festival international du film de Rotterdam en 2020.
Fradique a étudié le cinéma aux Etats-Unis mais réside en Angola. Il avait signé sous le nom de Mario Bastos un excellent documentaire historique retraçant la mémoire collective du pays : Independência (Angola - Sur les rails de l’indépendance) en 2015, récompensé par le Prix national de la culture cinématographique d'Angola.
Son travail est toujours le fruit d’un engagement collectif. De fait, Air Conditioner n’aurait pas pu voir le jour sans Geração 80 que Fradique a co-fondé en 2010, à Luanda. Geração 80 est un collectif angolais de réalisateurs, photographes, producteurs et autres créatifs qui entendent inspirer la nouvelle génération. Cela fait plus de 10 ans qu’ils redéfinissent et inventent l’identité cinématographique, audiovisuelle, culturelle d’un pays et d’un peuple toujours en ébullition.
Inspirer la nouvelle génération, tel est le mantra de ce collectif constitué des futurs grands noms du cinéma angolais. Le collectif s’engage à développer la culture et les arts avec et pour les Angolais, d’abord et avant tout, pour les partager ensuite avec le reste du monde. Leur désir est de regarder leur pays de l'intérieur et de près. De refléter et faire connaître les souvenirs, les couleurs, les sons, les traumatismes, les désirs et les histoires que l'Angola vit actuellement.
«Nous comprenons que le pays a beaucoup de problèmes sociaux et économiques mais c'est de notre responsabilité de faire pression sur le gouvernement pour le financement de nos films. Cependant nous n'allons pas attendre indéfiniment de l'aide des institutions. Si nous devons faire un film à petit budget, nous ferons un film à petit budget. Nous fabriquons des histoires avec les moyens dont nous disposons. » Fradique |
Pour eux, la culture est synonyme de changement, c'est une critique constructive, une manière vitale de façonner leur identité et de créer leur place dans l’industrie globalisée du cinéma. En effet, la force de Geração 80 est de mobiliser l’énergie du collectif pour mettre en valeur les idées originales de leurs membres.
Les piliers de Geração 80
À l’origine, Geração 80 est une tendance picturale de l'art brésilien des années 1980 prônant le retour à une peinture plus subjective, ancrée dans les vécus.
Le collectif angolais Geração 80, à sa manière, perpétue cet héritage en retranscrivant la beauté subjective, les métabolismes culturelles des femmes et des hommes angolais de nos jours. C’est à travers le cinéma que le collectif a choisit de partager les richesses de l’Angola avec le reste du monde.
L’histoire commence avec Fradique et Lara Tchiloia, une jeune luandaise diplômée d'une maîtrise en gestion de l'Université de Pretoria et en génie civil de l'Université du Cap.
En 2009, Lara Tchiloia est assistante à la réalisation sur le film Alambamento, réalisé par Fradique. L’idée d’agréger des talents angolais autour d’eux naît pendant ce tournage.
En 2010, l’idée est trouvée : Fradique, Lara Tchiloia et Jorge Cohen fondent Geração 80. Lara Tchiloia poursuit sa carrière au sein de Geração 80, en produisant notamment Independência (Angola - Sur les rails de l’indépendance).
Lui aussi producteur, Jorge Cohen est né et a grandi à Luanda. Il est titulaire d'une maîtrise en industries culturelles et créatives mondiales de SOAS, Université de Londres (2018) et d'une maîtrise en administration des affaires de l'Université catholique de Lisbonne (2009).
Ensemble, ils ont fédéré des photographes, des réalisateurs, des scénaristes, des graphistes pour renforcer leur chance de créer et de diffuser des œuvres angolaises pour un public local et international.
Une initiative forte qui nous démontre une nouvelle fois que le cinéma est un art collectif, un art fédérateur qui sert avant tout à faire corps, ensemble, pour servir des visions et des imaginaires en devenir.
Pour suivre l’actualité du collectif :
https://geracao-80.com/cinematv/#documentario
https://www.instagram.com/geracao80/
https://www.facebook.com/oficialg80/
Sidney Cadot-Sambosi - Rédactrice Cinewax