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Black Is King : Illustrer la (re)conquête identitaire afro

Sortie le 31 juillet sur la plateforme de VOD Disney+, l’album-visuel Black Is King est une mosaïque graphique haute en couleur qui s’inspire de la célèbre histoire de Simba pour illustrer la quête identitaire des afro-descendant.e.s et célébrer leur héritage africain.

Loin d’être une grande fan de Queen B et ayant une sainte horreur des sujets “trendy” sur les réseaux sociaux, j’ai d’abord éprouvé un désintérêt total pour Black Is King. D’ailleurs, chaque post et story que j'apercevais sur mon feed Instagram à ce sujet me faisaient lever les yeux au ciel de lassitude. Quand je me suis enfin décidée à regarder ce long-métrage une semaine après sa sortie... j’ai beaucoup mieux compris cette effervescence générale. 

Après avoir doublé le personnage de Nala dans la nouvelle version du Roi Lion (2019) et produit sa bande originale “The Lion King : The Gift”, Beyoncé remet le couvert avec Disney en écrivant et produisant Black Is King, un long-métrage musical inspiré du célèbre dessin animé de Disney.

L’intrigue est identique à la version originale du Roi Lion, à la différence qu’ici, Simba est un jeune prince noir. Aidé par les esprits de ses ancêtres, Simba fait l’expérience d’un parcours initiatique de longue haleine, marqué par sa recherche identitaire et la reconquête de sa royauté.  

Le jeune nigérien Folajomi Akinmurele dans le rôle principal de Simba.Le jeune nigérien Folajomi Akinmurele dans le rôle principal de Simba.

Un chef d’oeuvre esthétique à la limite de la surenchère

S’il y’a bien un point sur lequel les critiques s’accordent, c’est que Black is King est un chef d’oeuvre esthétique. Le film marie des ambiances et des genres très différents. Afro-futurisme, kitsch, fantaisie et réalisme se confondent et nous donnent une fresque éclatante. D’une scène à une autre, nous pouvons survoler une forêt tropicale luxuriante aux allures mythiques, faire un saut dans l’espace et finir à l'arrière d’une voiture de luxe, en direction d’un château bling-bling. 

Ces visuels, d’une beauté et d’une richesse époustouflantes, sont parfaitement mis en valeur par des jeux de lumière et l’utilisation de certains filtres. En fonction des séquences, la qualité de l’image varie elle aussi et peut revêtir un aspect tantôt granuleux, tantôt extrêmement net. 

Au bout de 30 minutes de visionnage, mon regard ne savait plus où se poser. 

Si de tels éléments renforcent l’aspect artistique de Black Is King, ils finissent aussi par lasser. Pendant plus d’une heure, le film nous bombarde avec ses séquences musicales saturées d’éléments colorés et symboliques (comme on le verra plus bas). Une telle surenchère peut épuiser...littéralement. Au bout de 30 minutes de visionnage, mon regard ne savait plus où se poser. Mon cerveau, lui, était en ébullition et traitait de plus en plus difficilement toutes ces images qui défilaient à une vitesse ahurissante. 

Black Is King, une lettre d’amour à l’Afrique...

Black Is King est un hommage indéniable à l’Afrique. En effet, des masques Kanaga (Mali), aux sauts Massaï (Kenya/Tanzanie) en passant par l’incarnation de divinités comme Oshun (Nigéria), le film abonde en symboles qui célèbrent les cultures et spiritualités africaines. Les tenues et coiffures majestueuses qu’arborent les protagonistes sont elles aussi inspirées de ces cultures et surtout créées par des designers du continent. C’est le cas par exemple des masques en cauris faits par la créatrice ivoirienne Lafalaise Dion, ou de l’imposante couronne en tresses que porte Beyoncé et qui fait écho à la coiffe de la reine Nefertiti

La bande son rend également un bel hommage aux musiques africaines, notamment à celle du Nigéria et du Ghana. Dynamique, émouvante et inspirante, cette bande son est le fruit de collaborations qui mettent à l’honneur de nombreux artistes tels que Mr Eazi, Burna Boy, Yemi Alade, Tiwa Savage, Shatta Wale, ou encore Oumou Sangaré; certains que nous pouvons d’ailleurs apercevoir dans le film. Là aussi, Black Is King mélange volontiers les genres musicaux : afrobeat, rap US, ou mélodies plus traditionnelles à base de Kora. 

L’effort de mettre en avant des artistes africains est à saluer. Mais j’ai été déçue de leur apparition furtive dans le film comparé à l'omniprésence de Beyoncé. Cette omniprésence de la chanteuse en arrive même à éclipser Simba, pourtant personnage principal du film ! 

… ou une exotisation du continent africain ? 

Black Is King s’affranchit des habituelles représentations misérabilistes de l’Afrique. On y voit plutôt une Afrique futuriste, opulente et ostentatoire qui peut faire penser au Wakanda de Black Panther (2018). 

Le film semble surtout s’adresser aux diasporas afro-descendantes et non aux personnes africaines vivant sur le continent.

Une telle représentation n’est cependant pas au goût de tout le monde. Sur les réseaux sociaux, certains internautes ont en effet décrié une exotisation ainsi qu’une vision de personnes privilégiées et très américano-centrée de l’Afrique, bien loin de la réalité. Dans le tweet ci-dessous, une internaute nigérienne s'insurge : "Je suis fatiguée de voir des costumes en peaux de bêtes pour représenter l'Afrique. C'est tout ce que j'ai vu. Ce n'est pas comme ça que nous nous habillons, bon sang... et nous ne montons pas aux arbres. Je pense que c'est comme ça que les Occidentaux aiment imaginer l'Afrique. Cela répond à leur consommation, pas la nôtre." 

On pourrait défendre cette maladresse en objectant que le but de Black is King n’est peut être pas de retranscrire la réalité mais simplement d'apprécier la richesse culturelle de l'Afrique au moyen de la créativité. Mais la question de la cible se pose. Si le film se veut une “lettre d’amour à l’Afrique”, il semble surtout s’adresser aux diasporas afro-descendantes - notamment aux afro-américain.e.s, et non aux personnes africaines vivant sur le continent. 

D’après le magazine GRIOT, “l’Afrique de Beyoncé donne un cadre aux imaginations brisées des Afro-Américains (concernant le continent africain). Malheureusement, c’est une Afrique périphérique et exotique à laquelle peu d’Africains peuvent s’identifier”.

Raconter la quête identitaire des diaspora noires

(Re)connaître son histoire et celle de ses aïeux afin de se réconcilier avec soi-même.

Black Is King parvient à transposer avec justesse la quête identitaire de Simba à celle des afro-descendant.e.s des diasporas. Ici, la royauté volée de Simba peut symboliser deux choses. Premièrement, il peut s’agir d’une interprétation de l’Histoire pré-coloniale de l’Afrique et de ses grands royaumes généralement occultés des narrations occidentales. A certaines séquences du film, on entend des extraits audio du Roi Lion, notamment cette exhortation incessante de Mufasa à son fils : “Souviens-toi”. Toujours dans le film, Beyoncé affirme quant à elle que “History is your future”. (L’Histoire est ton avenir). De tels messages semblent inviter à (re)connaître son histoire et celle de ses aïeux afin de se réconcilier avec soi-même. 

Il est indéniable que la royauté de Simba illustre aussi la dignité et la beauté noires si souvent dépréciées au sein de nombreuses sociétés. Black is King attaque les éternels stéréotypes qui visent les communautés afro (père absent, violence, absence d’émotions, etc). Le film s’en prend également à d’autres problématiques telles que le colorisme ou le manque de représentation dans les différentes sphères de nos sociétés.



Le clip de la chanson Brown Skin Girl chantée par Wizkid, célèbre d’ailleurs la beauté noire. On peut y apercevoir des célébrités comme Naomi Campbell, Kelly Rowlands, Lupita Nyang’o et une Blue Ivy aux allures angéliques. 

Malgré des maladresses évidentes, Black is King est une véritable ôde à la beauté noire et aux cultures africaines. Mais surtout, le long-métrage illustre avec justesse la démarche de reconquête identitaire de nombreux afro-descendant.e.s. Le succès qu’a rencontré The Year of Return, au Ghana en 2019, auprès des afro-américain.e.s en est un bel exemple. Lancé par le gouvernement ghanéen, cette politique encourage les diaspora africaines à visiter le pays afin de se reconnecter avec leurs racines. Au total, près d’un million de visiteurs se sont rendues au Ghana cette année, dont plusieurs célébrités.

 

Audrey Abaca, rédactrice Cinewax


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